Et pour une fois, puisqu’on parle de vins de France, les vins bordelais brillent par leur absence (notons tout de même que le Saint-Emilion est cité). Le roi a pourtant fait chercher partout dans le royaume ces breuvages. Mais en fait, cette absence fait ressortir leur présence. C’est un peu tordu, mais les jus aquitains sont la cible du poète.

Eh oui, car les Anglais s’y trouvent. Et il est bien sûr hors de question de promouvoir les vins de l’ennemi juré. Ils sont en Guyenne, les sujets insulaires, et il est hors de question pour le normand Henri d’Andeli de les nommer.

Soit. Cette bataille s’affiche politique. Mais elle est également religieuse. Parce qu’elle cherche à sauver l’âme du buveur. Et cela se fait aussi en ne buvant pas n’importe quoi ni en écoutant n’importe qui. Voilà un homme avisé, ce monsieur. Non ?

On peut aussi remarquer que dans un vers, il ne se limite pas au vin. La cervoise d’Ypres (jolie bourgade belge) était-elle déjà si célèbre ?

La Bataille des Vins (1224)

Notre roi fort courtois et sage

Monde à tous ses messagers

D’aller les meilleurs vins chercher,

Qu’il pourrait sur terre trouver.

D’abord manda le vin de Chypre

Ce n’était pas cervoise d’Ypres

Vins d’Alsace et de Moselle,

Vins d’Aunis et de la Rochelle,

De Saintes et de Taillebourg,

De Milan et de Trenebourg,

Vins de Palme, vin de Plaisance,

Vins d’Espagne, vins de Provence,

De Montpellier et de Narbonne,

De Béziers et de Carcassonne,

De Moissac, Saint-Emilion,

Vins d’Orchaise et de Saint-Yon,

D’abord manda le vin de Chypre

Ce n’était pas cervoise d’Ypres

 

Vins d’Orléans, vins de Jargueil,

Vins de Meulan, vins d’Argenteuil,

Vins de Soissons, vins d’Hautviller,

Vins d’Epernay le Bachelier,

Vins de Cézanne et de Samois,

Vins d’Anjoie et du Gatinois,

D’Issoudun et de Châteauroux,

Et aussi vins de Trilbardou,

Vins de Nevers, vins de Sancerre,

Vins de Vézelay, vins d’Auxerre,

De Tonnerre et de Flavigny,

De Saint-Pourçain, de Savigny,

Vins de Chablis et vin de Beaune,

Ce dernier vin n’est pas trop jaune,

Mais plus vert que corne de boeuf,

Le reste ne vaut pas un oeuf.

Tous vinssent en grand cortège,

Sur la table, devant le roi,

Et comme Dieu parle au Cygne

Chacun des vins se fit plus digne

Par sa bonté, par sa puissance,

D’abreuver bien le roi de France.

Texte tiré de l’ouvrage  La littérature gourmande de Philippe Di Folco, aux éditions Eyrolles (2012)

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