Ils sont trois. Trois bouquins. Parce que c’est ainsi. On reçoit beaucoup de propositions mais ces trois-là ont retenu mon attention. Pourquoi ? Je vous les décrits dans leur ordre d’arrivée. Le premier parce que j’étais bien curieuse de savoir si cette popote des magiciennes tenait vraiment la route. Deuxième ouvrage : c’est une sacrée bonne idée de cultiver ses végétaux en pot. Enfin, un verger ou potager en appartement. Et puis, avec le troisième : déguster avec nos cinq sens ? J’en avais déjà parlé ici, donc naturellement, j’ai voulu en savoir davantage. Voilà pour les choix. Maintenant, la découverte.
Parmi les bouquins un peu éthérés
Oui, on peut se rappeler de l’avertissement d’une certaine Mylène Farmer sur « l’an 2000 [qui] sera spirituel ». Evidemment, par 2000, elle entendait le siècle. Enfin, ça peut se comprendre ainsi. Et donc, les bouquins sur la spiritualité, quels qu’ils soient, fleurissent actuellement.
Nous avions déjà parlé ici de cuisine et de spiritualité avec l’ouvrage à propos d’Hildegarde de Bingen. On y parlait surtout cuisine, la vocation d’Hildegarde étant nettement en retrait. Le livre du jour est évidemment très différent. Tout d’abord, il émane d’une maison d’édition dont la spiritualité est le moteur. Donc, qu’est-ce qu’il contient ?
D’abord, il propose 100 recettes, inspirées par Hestia, Vesta et Belisana. Il y a trois noms sur la couverture, mais c’est le même genre de déité. Hestia est grecque, Vesta romaine et Belisama, celte. Mais elles sont toutes déesses du foyer, de la nature.
On a là l’articulation du livre : les saisons et les déesses. Tout autour du globe. Il y a des déesses hawaïennes, indiennes, germaniques, Athéna et sa consoeur nordique Freya, déesses de la guerre dans leurs contrées respectives, sont là. Avec des rituels et des recettes très proches de la nature. Souvent des petites phrases qu’on peut aussi s’approprier en développement personnel finalement.
Comme ces divinités sont souvent des incarnations de la nature dans leurs cultures respectives, il y a beaucoup de végétal dans ces recettes. Par exemple, ce pesto tout simple et végétalien, avec de l’ail des ours, des noix, de l’huile d’olive et du sel. Pour égayer tout ça, chaque recette présente une petite incantation, un rite. L’ouvrage comporte aussi des explications sur les énergies de la période, découpées avec les différentes fêtes celtes, elles-mêmes rythmées par les cycles naturels que sont les équinoxes, solstices, etc. Les déesses prennent la parole, on parle du cycle féminin également.
Alors oui, on peut avoir un peu peur de ce genre de bouquins – c’est pour ça que ça m’a intéressée de savoir exactement ce qu’il comportait – mais tout cela est très documenté notamment sur les saisons et leurs caractéristiques. On n’est pas dans les incantations farfelues, justement.
Côté plus concret, les recettes sont à la fois faciles, originales et saines, souvent végétariennes et sans gluten. Il faut dire que l’autrice est diététicienne. Encore une fois, on n’est pas du tout dans le nawak markété surfant sur l’air du temps. Tout ça se tient. Très bien même.
Et ne puis ne pas oublier l’objet livre. La maquette fait un peu magique et mystérieuse, les mots sont surannés – chaudron, chaumière, etc. Cela dit, les photos présentent souvent un clair-obscur élégant et toutefois très appétissant. Car oui, cet ouvrage est vraiment appétissant ! Une excellente surprise.
La Popote des magiciennes, Eloha Audrey Loups (textes et recettes) et Christelle Galand (photos), éditions Le Courrier du Livre, 18 €.
Parmi les bouquins pratiques
C’est un livre grand par la taille, rigide. Typiquement un livre/cadeau. Là encore, soulignons le très beau travail photographique. Il appuie le propos ultra-pédagogique de l’auteur, le chef et jardinier britannique Aaron Bertelsen. Né en Nouvelle-Zélande, il travaille depuis 1996 dans le célèbre jardin anglais de Great Dixter, avec un petit intermède israélien dans le milieu des années 2000.
Son premier amour, ce sont donc les jardins mais pas d’inquiétude : les bouquins de jardinage sont une chose. Cet ouvrage-là n’est pas que cela. Evidemment, les deux premières parties sont consacrées à cela. Mais la dernière nous donne des recettes et des idées pour utiliser les plantes qui s’épanouissent.
Donc d’abord, notre cuisinier-jardinier nous renseigne sur les bases du jardinage. Les saisons, les variétés à cultiver, le « compagnonnage » donc quelles plantes sont à cultiver ensemble ou pas, la nature des pots à utiliser, les engrais, l’arrosage, la taille, etc : tout tout tout, vous saurez tout si vous avez envie de vous régaler de votre production-maison.
Dans la deuxième partie, on vous présente 25 espèces à cultiver, en pas-à-pas. ou presque. Les tomates (comme souvent) mais également des plantes plus rares en pot comme les abricots, les citrons, les radis, le fenouil, la courge ou encore la rhubarbe. Vous n’aurez plus qu’à aller faire les courses et à suivre le mode d’emploi pour obtenir une belle récolte.
Et comme un bonheur ne vient jamais seul, la troisième partie propose 56 recettes pour accommoder votre production. Pour le coup, ce sera du vrai fait-maison ! Les abricots rôtis au laurier et au miel ont l’air fameux, par exemple. Le découpage est opéré entre les recettes du petit-déjeuner, les soupes, les plats principaux, les salades et accompagnements, et les gâteaux et desserts.
Retrouvez aussi comment vos précieux peuvent se muer en pickles par exemple ou en conserves à déguster plus tard. On trouve également des boissons comme cet étonnant gin à la rhubarbe. Le glossaire est ultra-complet. Et si vous n’y allez pas, vous ne saurez pas qu’on parle uniquement de beurre salé. HA ! Voilà une bonne raison de le feuilleter entièrement avant de se lancer.
Enfin, les superbes photos sont vraiment très anglaises en extérieur et sobres concernant les recettes avec des arts de la table qui fleurent bon un certain cliché britannique que nous pouvons avoir de ce côté du Channel. Encore une superbe découverte.
Cultiver ses fruits et légumes en pots, conseils et recettes de Great Dixer, Aaron Bertelsen, photos Andrew Montgomery, éditions Phaidon, 35 €.
Parmi les bouquins innovants
Voilà un ouvrage que vous pourrez lire et écouter dans notre podcast puisque son autrice a accepté de nous parler de la fameuse galette des rois du mois de janvier. On aime les bouquins de cuisine originaux. Et celui-là a également la sienne, comme ses deux compères plus hauts.
Il s’articule autour des cinq sens, reprenant le concept de la Pâtissologie®. Qu’est-ce donc ? C’est une façon de déguster innovante, dite « en pleine conscience ». On nous dit souvent de ne pas manger face à la télé, à l’ordi, un bouquin ou autres. Marion Thillou pousse le concept plus loin.
Et donc, dans cet ouvrage, elle nous parle de comment envisager la pâtisserie à travers ce prisme sensoriel. Comment déguster d’abord avec ses yeux – ce qui est souvent le cas en cuisine et particulièrement en pâtisserie – mais également avec les quatre autres sens ?
Evidemment qu’on parlera du goût – en dernier – et de l’odorat également. Mais le toucher, par exemple. Comment l’exercer ? Eh bien le toucher, c’est tout simplement la texture. Comme dirait l’autre, « le craquant », entre autres sensations. Le moelleux, la douceur. Et ainsi de suite.
Et l’ouïe, c’est aussi bien moins évident. Mais le sens de la pédagogie de Marion Thillou est très développé, pour le coup, et vous amènera à vous poser des questions et à aborder les pâtisseries, et même la nourriture en général, de façon différente.
C’est une vraie belle expérience qu’elle propose aussi à travers ses parcours et cours au sein de son entreprise Honoré, basée à Paris.
Pour cet ouvrage, elle s’est entourée d’un pâtissier qui a sublimé des recettes de classiques de la pâtisserie française – macarons, flan pâtissier, Opéra, Paris-Brest, il y en 20 en tout. Une illustratrice a aussi croqué son point de vue dans les pages purement pédagogiques avec des dessins à la fois géométriques, chaleureux et diablement élégants. Évidemment, un photographe s’en est mêlé pour des photos très rapprochées des gâteaux, histoire de flatter le regard et de presque pouvoir imaginer leur odeur, leur bruit, leur texture et leur goût.
Cet ouvrage donne donc un vrai sens au mot générosité par son aspect collégial et participatif. Car oui, vous pouvez y intégrer vos propres notes de dégustation après avoir confectionné les recettes. Il regorge aussi de références qui vont véritablement faire réagir vos sens car ancrées dans la culture populaire. Vraiment très bien vu tout ça !
Comment j’ai dégusté mon gâteau, quand nos sens nous l’expliquent, Marion Thillou, recettes de Matthieu Dalmais, photos David Japy, illustrations Cécile Huang, éditions First, 18,95 €.