Oui, c’est tout à fait sérieux, le vin vegan. Car si le vin reste dans l’imaginaire collectif un produit exempté de toute interaction avec des matières animales, il faut aller voir du côté des fameuses « colles » des vins. Parfois, on y trouve des choses qui défient parfois l’imagination. Alors, coup marketing, le vin vegan à l’heure où rien que ce mot suffit à faire vendre ? Pas vraiment. Nous avons posé des questions à l’oenologue Bruno Quenoux, partenaire de la marque BiBoViNo, spécialiste des vins vendus en bibs de trois litres, très impliquée dans le bio et qui a pris ce virage vegan.
Qu’est-ce que la notion de vegan vient faire dans le vin ? Pour obtenir cette belle couleur dorée pour ce vin blanc, ce rose brillant pour ce rosé ou ce grenat transparent et profond pour ce rouge, il faut que le vin soit « clarifié ». C’est-à-dire qu’on va le débarrasser de toutes les matières en suspension qui pourraient vous gâcher la vue, mais sans passoire, de préférence, et sans lui injecter des produits chimiques qui vont l’abîmer. C’est le travail des colles, qui vont littéralement « coller » (donc faire tomber et agglomérer) ces matières devenues indésirables.
Ça colle, le vin
Et dans ces « colles », on peut trouver plein de choses, surtout celles auxquelles vous ne penseriez certainement pas ! Évidemment, il peut y avoir des enzymes, juste chimiques, naturelles ou synthétiques. Elles vont agglomérer ces matières en suspension et agir en même temps sur l’aspect, la couleur, l’éclat. Mais il y a des procédés plus naturels, mêmes s’ils paraissent incongrus aux yeux des profanes. Pêle-mêle, on peut citer le blanc d’œuf (qui donne de la brillance), la caséine de lait (qui emmène les matières ainsi que les mauvais arômes et les mauvaises odeurs), le miel, la peau, le cartilage ou des arêtes broyées de poisson, la gélatine ou le sang de boeuf ou de porc… Pas très appétissant, non ? Certaines de ces colles sont donc naturelles, voire bios. Vous pouvez donc les retrouver dans votre vin labellisé, même bio ou nature, sans violer le cahier des charges de ces labels.
Ah, la couleur dorée d’un bon vin blanc, le Buccia Nera. Crédit photo : Tasty Life Magazine.
Les viticulteurs qui ont choisi de se tourner vers le vin vegan, souvent en biodynamie d’ailleurs, utilisent d’autres procédés. Par exemple, les colles conformes peuvent se composer de protéines végétales (pois, soja), de poudre d’algues ou de l’argile (bentonite). Attention aussi : les composts utilisés par les viticulteurs pour fertiliser la terre des vignes ne doivent pas non plus comporter d’excréments d’animaux dans les composts. Aucun animal n’est autorisé à se promener dans les arpents !
En France, on regarde avec de la méfiance cette étiquette « végane », apanage des bobos ou autres hippies. On flaire le coup marketing fabriqué de toutes pièces. Mais la chose fait son chemin. Et c’est pour cette raison que ce label ne s’applique aux vins français ou commercialisés en France que depuis la fin 2016.
Vegan, nouveau label
Car oui, ce label existe depuis quelques années au sein de l’Union européenne et dans certains pays. La France s’y met tout juste. Attention, ce n’est pas le ministère de l’agriculture qui le décerne comme le label Agriculture biologique, c’est l’association végétarienne de France (AVF), émanation de l’Union végétarienne européenne. Le label V a deux facettes. D’abord, le label « végétarien » qui garantit que le produit est exempt de tout composant carné. Puis le label « végane », qui nous intéresse pour le vin vegan, garantit que le produit ne comporte aucun élément d’origine animale, comme ceux cités plus haut.
Bruno Quenioux, l’oeil de l’expert. Document remis.
Le marketing de nos jours est plutôt bien branché « nature » mais le vegan vinicole n’en est qu’aux prémisses. Bruno Quenioux est œnologue. Il a trouvé pour la chaîne BiBoViNo des vins vegan en Italie, en Toscane. Pour lui, cette appellation, ultra-marketée au premier abord, permet un retour aux sources. « Il ne faut pas se laisser happer par ce que j’appelle les vins à la ‘saveur pornographique’, qui remplissent la bouche mais qui n’ont pas la bonne vibration. Le vrai vin, ce n’est pas seulement une longueur en bouche, c’est aussi une mémoire. Celle d’un des plus vieux produits du monde et de sa subtilité. »
Entre cahier des charges… et cahier des charges…
L’homme sélectionne tous les vins de cette chaîne au concept plutôt inédit : proposer des vins haut-de-gamme en « bag in box » – sac dans la boîte – ou « bib », joli mot pour ne pas dire « cubi », très connoté vins-pas-chers-qui-font-mal-à-la-tête. Ces bibs contiennent trois litres de nectar, donc l’équivalent de quatre bouteilles. Ils résistent bien plus longtemps que les cubis en terme de conservation. « Nos emballages permettent au vin de continuer à vivre et à vieillir normalement, malgré de l’oxygène en plus par rapport aux bouteilles. Pour ce faire, ils sont donc stabilisés en souffre ou autres produits chimiques et en comportent peu. Même la température des véhicules de nos transporteurs est calculée pour être ni trop haute, ni trop basse. Nous avons étudié la questions de très près avec nos prestataires. » Et s’ils ne sont pas tous estampillés bios, les vins sélectionnés par Bruno Quenioux pour l’enseigne sont tous élevés dans le respect de ce cahier des charges.
Un bib, trois litres… et un petit robinet. Document remis.
Pour les premiers vins vegans de la gamme, il s’est souvenu d’une belle rencontre avec trois sœurs toscanes qui exploitaient le domaine familial, situé sur un terroir complexe fait de galets, d’argiles, de graviers et de sables. Ce qui en fait aussi la première référence étrangère de la chaîne, qui d’habitude, commercialise des vins de domaines discrets et français.
La douceur toscane
Le domaine de Buccia Nera est exploité par les sœurs Anastasia, Alessia et Roberta Mancini. Il est passé au bio depuis 15 ans et le Buccia Nera blanc est labellisé vegan. Il se compose à 50% de Trebbiano et à 50% de Malvasia Blanca. Très fruité, d’une belle couleur dorée, il rappelle les fruits jaunes et blancs, les fleurs blanches et il est également assez épicé. Le Buccia Nera rouge, 100% Sangiovese, rappelle les vins de Bandol, en plus léger. Il dégage des arômes de pinède, de fruits noirs et rouges, de rose et de poivre. Bien entendu, ils portent tous deux l’appellation Indicazione Geografica Tipica Toscana.
Pour la suite, BiBoViNo se dirige vers Santorin (Grèce) où se situe le plus vieux cépage recensé : l’Assyrtiko. « Nous avons pensé à des façons modernes de contenir et transporter nos vins. En revanche, ce que nous aimons, c’est la grande tradition de ce produit. À Santorin, on vinifie encore à l’ancienne, presque comme dans l’Antiquité. On retrouve là le vin, nourriture de l’âme autant que terrestre. C’est une vraie méditation, un symbole, explique Bruno Quenioux, qui revêt pour l’occasion sa casquette de chercheur. C’est un produit qui a plus de 8500 ans et qui est très loin de nous avoir révélé tous ses secrets. Je travaille avec Mathieu Pou, archéologue et directeur de recherche à l’université de Lyon, pour continuer à découvrir. C’est passionnant ».
Le vin vegan. Pas juste des mots ou du marketing.
Superbe article!
Un vrai plaisir à lire, merci pour ces infos de qualité!
[…] n’utilise aucune matière animale. Et cela peut s’avérer compliqué car finalement, même le vin n’est parfois pas exempt de certains produits animaux invisibles. Prudence donc pour les plus […]