Sur l’enregistrement, ses premiers mots : « Alors ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? ». Non, Virginie Dufour n’est pas une hésitante, ni une mijaurée. C’est une femme qui agit, tout simplement. Elle parle, beaucoup. De ses trois enfants, de sa cuisine, de ses projets. Mais d’elle, un peu moins. Elle est dans l’action.

«  J’ai toujours voulu un restaurant, j’en ai ouvert un premier à Lens. J’étais en salle. On y déjeunait. Je l’ai vendu. J’en ai eu un deuxième, le RDV ici à Arras, mais je voulais vraiment maîtriser le poste cuisine. Raphaël est en salle, mais il connaît la cuisine. Chacun connaît le travail de l’autre et dans une petite équipe, c’est important. On se respecte », explique-t-elle.

 

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Virginie et Raphaël, un vrai couple de travail. Crédit photo : Tasty Life Magazine.

 

Dans son restaurant très féminin, doux, design mais un peu foutraque et rock’n’roll, la jeune femme cultive sa différence. « Tout ce qu’on envoie, ce sont des produits qu’on a choisis, qu’on chouchoute. On envoie de l’amour à travers nos plats. C’est pas une blague, rigole-t-elle. Tous les matins, je salue mon fourneau en arrivant ici, et j’en suis fière. Je sais, c’est con, mais je trouve que nous sommes des privilégiés de savoir faire tout ça », poursuit-elle, émue, mais dans un grand éclat de rire.

Auparavant, la jolie restauratrice a eu une autre vie. Elle a exercé 17 ans dans le travail temporaire, mais a toujours eu en tête de créer « un lieu atypique, quelque chose de beau, de bon et de bien ». Elle a beaucoup aimé son restaurant, La Vylla à Lens, sauf le premier jour – « ils mettaient 1h30 à sortir les plats et j’étais totalement impuissante. Je me suis demandée ce que je faisais dans cette galère ! J’avais quitté un super job stable, j’étais cadre, j’avais un bon salaire, etc. J’ai beaucoup pleuré » – et quand elle a eu l’opportunité d’en ouvrir un autre à Arras, elle a pris ses précautions, pour trouver un juste équilibre. Nous étions en août 2012.

 

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La vitrine vous laisserait presque penser que vous avez la tête à l’envers. Ah mais peut-être… ! Crédit photo : RDV.

 

« J’ai ouvert avec le renfort d’une petite nana qui sortait de l’école, qui avait les bases que je n’avais pas. Au départ, c’était RDV, donc Resto suivi de nos initiales. J’ai conservé Resto de Virginie après son départ, mais je dis toujours RDV : je ne suis pas si mégalo ! On a commencé avec des planches, avec Terre, Mer, Terre&Mer et une planche sucrée. Au bout de 4 jours, j’en ai eu marre. J’ai décidé de changer pour un plat du jour, comme je le faisais chez moi. Je pensais trouver un chef au départ, donc j’aidais juste en cuisine mais je me suis prise au jeu. Aujourd’hui, c’est moi, le chef. Et j’adore ce que je fais. Vraiment. Je prends un grand plaisir à faire plaisir ». Elle l’assure, elle ne pleure plus.

Complexe à dépasser

Cependant, quand les assiettes reviennent et qu’il y reste quelque chose, Virginie Dufour est assaillie par le doute, celui que connaissent tous les autodidactes, celui de l’imposture. « C’est fou, j’en ai toujours ». Mais ne serait-ce pas aussi la fameuse remise en question, celle qui taraude les perfectionnistes et/ou les personnes talentueuses et soucieuses du toujours mieux ? Virginie Dufour a toujours beaucoup d’idées. Et elle déteste la routine. Sa carte change toutes les deux semaines. Et pour animer son quotidien de restauratrice, et peut-être atténuer ses doutes, elle se forme. Souvent. Régulièrement.

« Nous avons une clientèle récurrente, il faut toujours les surprendre. Je suis souvent dans l’improvisation. Je n’ai pas de plat signature. À chaque fois que je change ma carte, certains clients râlent. Mais je leur fais goûter autre chose, des petites choses. Et si ça plaît, on y va. Même quand les 40 couverts du restaurant sont garnis ». Pour Virginie Dufour, les convives doivent être accueillis, considérés en arrivant dans un restaurant. Avant même de s’asseoir. « On vient passer un bon moment, se nourrir, se faire plaisir mais on paie pour ça. Ça mérite que l’équipe fasse des efforts. Quand je vais dans un autre restaurant, je n’ose pas me plaindre, même quand je n’aime pas. C’est un métier tellement difficile que je me mets à leur place et je ne dis rien, même si on me le demande directement. »

 

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La cuisine de Virginie se mange d’abord avec les yeux… Crédit photo : Tasty Life Magazine.

« Goûte un peu » ou le mantra de Virginie

Virginie Dufour ne revendique pas le statut de restaurant « de fille » pour le RDV. En revanche, elle confesse être attentive aux moindres détails. Les échantillons de parfum et les lingettes dans les lieux d’aisance. Le mix musical très étudié en fonction du contexte. Par exemple, les quatre heures de musique italienne pour cette soirée à thème Dolce Vita, réalisée la veille de cette entrevue. Sinon, une sélection plutôt lounge et électro. Pareil pour les assiettes. « Il faut toujours un petit truc en plus, jamais dans le facile et le convenu. Sinon, ce n’est pas complet pour moi. »

L’attention au client, c’est aussi associer le pain que ses clients aiment quand ils ont réservé. « On va aller se fournir dans leur boulangerie préférée. C’est une toute petite attention, mais ça change tout. Je vais jusqu’au bout des choses ». Cette attention fut testée pour toi, chère/er lectrice/eur avec du pain sans gluten. J’ai adoré, ça fait un plaisir fou de se sentir privilégié ainsi.

« J’aime les défis et les risques »

Et jamais de routine. Jamais. Alors elle a créé l’association Arras à Table. Pas une association où on se retrouve pour discuter, ou pour faire des commandes en commun et réduire les coûts. Non. Une association où on travaille et on donne de son temps pour une bonne cause. Ainsi, en septembre, une action s’est déroulée dans une maison de retraite de l’Arrageois. Cours de cuisine et dégustation pour les pensionnaires et vrai rayon de soleil. Pour eux et pour les chefs. « Ça fait du bien de se lever pour autre chose que pour payer des charges et des factures », souligne Virginie Dufour.

 

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On a dit atypique, la décoration. Elle change très souvent d’ailleurs.  » Souvent femme varie « , disait le roi. Crédit photo : RDV.

 

Mise à jour du 14 novembre 2019 :

« Mon restaurant est ma deuxième priorité dans la vie, après mes enfants. J’ai envie de m’y épanouir, de me faire du bien dans mon travail. Ça nous amène à la troisième priorité : moi ! », sourit-elle. Et cet épanouissement va avec des défis à relever. D’où ce challenge  tout récent : Virginie a vendu son restaurant en début d’année. Le RDV est toujours ouvert, sous le même nom, le même concept, mais avec une direction différente. Elle a continué à y faire la cuisine jusqu’au 1er juin, histoire de faire la transition. Elle donne des cours de cuisine en ce moment et s’intéresse à d’autres choses, voyage, profite de ses (grands) enfants. « Le moment était venu », dit-elle. Tout simplement.

Vivement sa prochaine aventure. Pour cet électron libre, ça devrait se poursuivre dans le secteur de l’hôtellerie. Comme on dit dans les meilleures séries, stay tuned (la version anglaise de  » à suivre « ).

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