Capucine Seys est restauratrice à Arras, préfecture du Pas-de-Calais. Avant le premier confinement, avant la crise, elle exerçait comme directrice de salle, associée avec le chef Olivier Lainé. Leur affaire, La Bulle d’O était une table à tendance gastronomique. Donc très chronophage, avec beaucoup de personnel, de contraintes également. « Le restaurant marchait très bien. Mais déjà, l’envie avait pointé de faire complètement autre chose ». Une vraie envie de changement donc.
Et vint le confinement…
Arrive le fameux 17 mars 2020. La France ferme et s’enferme. Partout. Et ses bars et restaurants en tête dès le soir du 14 mars, à minuit. Le coup de massue. Pas pour Capucine, qui réfléchissait déjà à comment faire pour continuer à bien travailler tout en fermant le soir pour profiter de sa famille.
« Je me suis interrogée comme si j’étais cliente : de quoi j’avais envie ? L’idée du bistro-boutique a germé. Un endroit où on peut venir se fournir en produits frais et en plats fabriqués sur place, vendus en bocaux. » Rapidement, Olivier Lainé lâche l’affaire, en plein questionnement sur son métier et un peu effaré par les mesures sanitaires entourant la fabrication de plats à vendre en bocaux.
Capucine continue donc avec l’ancien second de la Bulle, Alexandre, et travaille sur son concept avec un concepteur-rédacteur. « Il faut quelque chose d’original. Le nom Bichette est arrivé assez vite, et puis l’idée de l’after-work aussi. Entre le boulot et le resto. » Situé dans les anciens locaux de la Bulle d’O, près de la gare d’Arras et à proximité du centre-ville, le nouveau lieu gourmand Chez Bichette ouvre le 28 octobre après des mois de travaux. Et le 30 octobre ? Nouveau confinement.
Et on referme… presque tout pour le second confinement
« Alors là, on a vu la capacité ou pas des entrepreneurs et confrères à rebondir. De mon côté, j’ai évidemment décidé d’élargir la vente à emporter. Nos bocaux comportent des entrées, des plats et des desserts mais pas seulement. Proposer un vrai assortiment gourmand artisanal français – l’offre locale étant limitée dans notre secteur – est devenu mon objectif. Que ce soit des boissons, des choses à tartiner, des petits gâteaux, de préférence plutôt moyen et haut de gamme, en plus de nos bocaux. De toute façon, produire absolument toute notre offre était irréaliste. »
Et depuis, l’objectif est de continuer à rester souple, à pouvoir s’adapter à n’importe quelle situation. « Je suis cheffe d’entreprise depuis sept ans. Et si on n’est pas un minimum visionnaire, à être à l’écoute de ses semblables et sentir les tendances, on coule. Ce n’est pas plus compliqué que cela. »
Alors, il s’agit de trouver des débouchés. Arras est une préfecture, mais ne dit-on pas toujours que le monde est petit ? Capucine Seys a écouté et observé : « Les chefs d’entreprises m’ont dit qu’ils avaient de toute façon déserté les restaurants. Ainsi que leurs employés. Les habitudes sont prises désormais de déjeuner sur place, dans la boîte. C’est d’autant plus vrai que ça raccourcit les journées, ce qui est crucial en temps de couvre-feu, quand on travaille en présentiel. Alors nous livrons. Surtout en cas de déjeuner d’affaires. Nous apportons la marchandise, dressons une jolie table avec une nappe et de jolis couverts. Puis nous réchauffons le contenu des bocaux. Et voilà ».
Des habitudes modifiées
Car le service du midi, dont on entend dire ces jours-ci que peut-être qu’il pourrait être à nouveau autorisé, est par excellence celui des entrepreneurs et travailleurs, celui du soir étant souvent réservé au plaisir. « On taille dans les frais généraux dans les entreprises, en ce moment. Donc l’invitation au restaurant du client avait déjà commencé à sérieusement régresser. Je me suis adaptée ».
C’est le nouveau mot-clé : l’adaptation. « On guette un peu les annonces pour trouver la parade en fait. Et être le plus mobile et flexible possible, sans renoncer à la qualité. C’est un exercice d’équilibriste, avec beaucoup d’incertitudes, mais j’y vois aussi des avantages. Je n’ai plus l’angoisse de mal faire comme du temps du gastronomique. Depuis le confinement, première et deuxième édition, les gens savent bien que beaucoup de choses ne dépendent plus de nous. Ce recul fait du bien au quotidien. »
Capucine Seys n’a aucun employé au chômage partiel en ce moment. Parce qu’elle ne veut pas qu’au moment de la réouverture, son équipe soit sur les rotules. Donc, du lundi au vendredi, la boutique est ouverte, ainsi que la cuisine. Auparavant, Chez Bichette ouvrait du mardi au samedi mais le couvre-feu décrété la semaine dernière sur le Pas-de-Calais durant le week-end est passé par là.
Et puis surtout, elle n’oublie pas une chose : elle demeure une marchande de bonheur. « Les gens arrivent chez nous le moral dans les chaussettes souvent. Le recul que j’ai pris dernièrement m’aide à accueillir les clients avec le sourire, comme autrefois et comme toujours. Après tout ce qu’on a traversé, je continue à avoir la patate ».
Et si le secret était là ?
Chez Bichette,
1 boulevard de Strasbourg, 62000 Arras.
03-21-16-19-47
À suivre aussi sur Facebook et par mail : bichette@chezbichette.com